La perspective de rédiger son testament n'est pas forcément agréable car elle renvoie à sa propre finitude. Pour autant, rédiger son testament est un acte de responsabilité vis à vis de ses proches et de respect par rapport au patrimoine que l'on a pu se constituer par son travail ou que l'on a reçu de sa famille. Quelles sont les questions à se poser ? Quelles sont les libertés et les contraintes selon les configurations familiales ?
Rédiger son testament, c'est d’abord répondre à un certain nombre de questions personnelles sur ce que l'on souhaite après sa mort pour sa famille et son patrimoine.
C’est aussi un moyen de réduire le poids d’une fiscalité très lourde : 60 % entre non parents, mais aussi 45 % dans la tranche marginale entre parents et enfants[1].
Se faire aider par un professionnel pour la rédaction de son testament est aussi vivement conseillé car une mauvaise rédaction est susceptible d'avoir des conséquences importantes au moment du décès (risques de contentieux notamment si certaines dispositions sont peu claires ou imprécises).
En fonction de chaque situation, les motifs qui conduisent à la rédaction d'un testament sont multiples.
Les familles contemporaines sont diverses mais on peut distinguer trois cas principaux:
-les personnes vivant en coupledont la situation successorale est différente selon qu'elles sont mariées, pacsées ou vivent en concubinage
-les personnes ayant des enfantsdont la liberté testamentaire est contrainte par la réserve héréditaire
-les personnes qui vivent en soloet qui n'ont pas d'enfants pour lesquelles la liberté testamentaire est totale.
Personnes vivant en couple
Pour les couples non mariés (pacsés ou concubins), la rédaction d'un testament est nécessaire si l'on souhaite instituer son compagnon héritier. Par rapport au concubinage, la conclusion d'un PACS présente toutefois le grand avantage de pouvoir bénéficier d'une exonération totale de droit de succession (alors que le concubin devra payer 60 % de droits de succession).
En cas de mariage, le testament n'est pas indispensable car le conjoint devient automatiquement héritier dans des proportions qui varient en fonction de sa situation familiale :
-en l’absence d'enfant, le conjoint hérite de la totalité de la succession sauf si le défunt a encore ses parents qui héritent alors chacun d'un quart de la succession (le reste revenant au conjoint)
-en présence d'enfant, le conjoint a le choix entre un quart en pleine propriété de la succession ou la totalité en usufruit.
- si le défunt avait des enfants issus d'une autre union, le conjoint survivant n'a pas de choix et hérite d'un quart en pleine propriété.
Il est en outre totalement exonéré de droits de succession.
Ce n'est que dans l'hypothèse où l'on souhaite modifier (à la hausse ou à la baisse) les dispositions automatiques que la rédaction d'un testament est nécessaire.
L'amélioration de la situation du conjoint marié est le cas le plus fréquent : le testament permet d'augmenter la part revenant au conjoint mais aussi de lui laisser plus de liberté dans le règlement de la succession.
En présence d'enfant(s), la rédaction d'un testament permet au conjoint de cumuler des biens en pleine propriété (dont il pourra librement disposer) et des biens en usufruit (dont il aura la jouissance sa vie durant mais qu'il ne pourra pas vendre librement). Pour désigner le testament au profit du conjoint marié, on parle le plus souvent de donation entre époux ou de donation au dernier vivant.
En l’absence d’enfant et en présence de parent, le testament permet de léguer la part des parents au conjoint.
En l’absence d’enfant et de parent, le testament prive les frères et sœurs de leurs droits dans la succession.
Dans les autres cas le testament n’est pas forcément utile plus que le conjoint hérite automatiquement de la totalité de la succession.
Le tableau ci-dessous synthétise l’intérêt ou non d’un testament pour un époux marié :
Intérêt d’un testament pour un couple marié
Aussi, grâce au mécanisme du cantonnement,le testament permet aussi au conjoint de choisir librement (sans l'accord des enfants) les biens qu'il souhaite avoir en pleine propriété (la résidence principale par exemple) et ceux pour lesquels il se contente d'un usufruit. En fonction de la rédaction du testament, le conjoint peut aussi choisir de tout conserver en pleine propriété (et de ne verser alors qu'une indemnité aux enfants correspondant à leur part de réserve)
Situation moins fréquente : la rédaction d'un testament a pour objectif de réduire, voire de supprimer les droits du conjoint.
L'hypothèse la plus courante est celle d'une mésentente (conjoints en instance de divorce par exemple).
Mais il peut également arriver que l'on souhaite réduire ou modifier les droits du conjoint en bonne intelligence. C'est par exemple le cas lorsque le conjoint a déjà un patrimoine suffisant ou est bénéficiaire de contrats d'assurance vie (qui ne font pas partie de la succession et dont la dévolution résulte de la clause bénéficiaire).
La réduction ou la modification des droits du conjoint est également fréquente en cas de remariage dans l’hypothèse où l’on veut que son patrimoine revienne in fine à ses enfants issus d'une précédente union. On pourra alors privilégier de l'usufruit ou même déshériter totalement son nouveau conjoint. Une autre solution peut être de faire un legs résiduel ou graduelqui permet de transmettre des biens à son conjoint à charge qu’il les retransmette à son propre décès à une personne déterminée (enfants ou petits-enfants du légataire).
Testament en présence d'enfant
En droit français, les enfants sont considérés comme héritiers réservataires, c'est à dire qu'une partie du patrimoine du défunt doit obligatoirement leur revenir soit en nature, soit sous forme d'indemnité. L'autre partie du patrimoine peut être librement léguée par le testateur à une personne de son choix : il s'agit de la quotité disponible.
La quotité disponible profite à une personne librement choisie par le testateur : une association caritative, un tiers, le concubin, le partenaire pacsé....
On notera qu’il existe une quotité disponible spécial entre époux si l’on souhaite gratifier son conjoint (voir ci-dessus).
Bien que cela soit souvent mal perçu par les autres enfants (et souvent source de tensions), il est également possible d'utiliser la quotité disponible pour avantager un enfant par rapport aux autres.
A défaut de testament, chacun des enfants hérite à égalité des biens du défunt. Il peut cependant être opportun de rédiger un testament afin de permettre aux enfants de pouvoir renoncer à tout ou partie de la succession au profit de leurs propres enfants.
En effet, avec l'augmentation de la durée de la vie, les personnes héritent de plus en plus tard à un moment où ils n'ont plus forcément besoin de cet héritage. Le fait de rédiger un testament permet d'effectuer un saut de génération au profit des petits-enfants grâce notamment au mécanisme du cantonnement. Une telle solution est également bénéfique d'un point de vue fiscal puisqu'elle permet d'éviter une double transmission (des grands parents aux enfants et des enfants aux petits enfants).
La rédaction d'un testament peut aussi avoir pour objectif de rétablir l'égalité entre les enfants afin d'éviter un conflit au moment de la succession en lien avec des donations qui auraient été faites du vivant du défunt : on parle alors de testament égalisateur.
Enfin, en présence d'enfants mineurs, des parents peuvent souhaiter déterminer à l'avance la personne qui s'en occupera (tuteur à la personne) ou gérera leur patrimoine (tuteur aux biens).
Célibataire sans enfant
Le célibataire sans enfant bénéfice d'une liberté testamentaire totale.
La rédaction d'un testament a alors pour effet de désigner volontairement des héritiers et d'écarter ainsi les héritiers légaux (qui peuvent être selon les cas, les parents, les frères et sœurs, les neveux et nièces, les cousins jusqu'au 6ème degré ou à défaut l'Etat).
La fiscalité étant très élevé (60% entre non parent), le recours à l'assurance vie est souvent un moyen de réduire l'imposition.
Le legs au profit d'une institution caritative permet également de bénéficier d'une exonération totale de droits de succession.
La solution qui consiste à instituer légataire universel une ou plusieurs associations à charge de délivrer un legs net de frais et droits(à des neveux par exemple) permet de transmettre le même montant net de frais et droits tout en gratifiant une association caritative.
Conclusion
Si rédiger son testament n'est pas toujours nécessaire, il est au minimum indispensable de se poser la question de ce que l'on souhaite après sa mort. Alors la rédaction d'un testament sera ou non opportune.
Enfin dans le cadre de la mondialisation actuelle, la rédaction d'un testament peut aussi être une sage précaution avant d'aller vivre dans un pays étranger afin d'éviter que sa succession ne soit soumise à la loi du nouveau pays de résidence. Il est en effet possible grâce au mécanisme de la profesio juris d'indiquer que l'on souhaite que sa succession soit réglée par rapport à la loi nationale : cela permet d'éviter bien des complications et des mauvaises surprises !
Résumé
- Rédiger son testament nécessite de savoir qui on veut gratifier, dans quelle proportion et avec quel bien ;
- La loi a prévu qui sont les héritiers en l’absence de testament : on parle d’héritiers légaux ;
- Le testament peut permettre de modifier ce que la loi prévoit (en plus ou en moins) mais dans certaines limites, afin de protéger les enfants ou le conjoint : la réserve héréditaire
- Si vous n’êtes pas mariés et n’avez pas d’enfant, votre liberté est à priori totale (sauf à tenir compte du droit de retour de vos parents s’ils sont encore en vie) ;
- Si vous avez des enfants, vous devez tenir compte de la réserve héréditaire et ne pouvez donc pas totalement les déshériter ;
- Vous pouvez avantager un enfant par rapport à un autre (dans la limite de la quotité disponible) mais cela n’est pas conseillé car source de tension comme l’illustre l’affaire de la succession de Johnny Halliday ;
- Vous pouvez aussi utiliser la quotité disponible pour gratifier la (ou les) personne(s) de votre choix : association caritative, concubin, ami... ;
- Si vous êtes mariés et n’avez pas d’enfant, vous avez une liberté testamentaire quasi-totale mais vous devez laisser au moins ¼ de votre patrimoine à votre conjoint si vos parents sont eux-mêmes décédés ;
- Si vous êtes mariés et avez des enfants, la réserve de vos enfants est limitée à une quote part en nue- propriétéquand vous voulez gratifier votre conjoint (même en cas de remariage) : on parle de quotité disponible spéciale entre époux ;
- Le conjoint survivant a automatiquement un droit viager lui permettant de rester sa vie durant dans le logement de la famille appartenant au défunt : il ne peut en être privé que par un testament authentique (devant notaire) ;
- Si vous êtes pacsés, votre conjoint bénéficiera d’une exonération totale de droits de succession : pour protéger votre compagnon, il est absolument impératif de rédiger un testament mais en présence d’enfant la liberté testamentaire sera moindre que si vous êtes marié ;
- Si vous vivez en concubinage, il est absolument impératif de rédiger un testament si vous voulez protéger votre concubin qui devra payer 60 % de droits de succession : si vous avez des enfants, votre liberté testamentaire sera réduite par la réserve héréditaire.
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